Faut-il souscrire une assurance décès pour protéger son conjoint ?
En contrepartie d’une cotisation mensuelle, un contrat garantit le versement de fonds à un ou plusieurs bénéficiaires désignés. Il s’agit donc d’un besoin de prévoyance.
Les options de ces contrats sont multiples et adaptables aux besoins : rente éducation pour enfants, versement d’un capital en cas d’accident, assurance invalidité et incapacité, perte d’emploi…
La plupart du temps, les sommes versées aux bénéficiaires sont nettes de fiscalités.
Pour les TNS (Travailleurs Non-Salariés) tels que les associés gérants d’EURL et les gérants majoritaires de SARL, des solutions de prévoyance dans le cadre de la loi Madelin par exemple existent.
Limites
Attention tout de même à certains points importants.
Tout d’abord, le coût de l’assurance décès augmente selon l’âge et l’état de santé de l’assuré. En outre, les garanties peuvent s’interrompre au-delà d’un certain âge ou le contrat être refusé après examen médical (surtout après 70 ans).
Selon les contrats, plus les garanties demandées sont élevées (et les capitaux assurés importants en conséquence), plus les justificatifs et examens exigés sont importants et exigeants.
Enfin, il s’agit de contrats à fonds perdus. Ainsi, les cotisations versées ne seront jamais récupérées même si les garanties du contrat n’ont jamais été « utilisées ».
Est-ce que je dois mettre en place un préciput afin de protéger mon conjoint ?
Un préciput est un acte à réaliser devant notaire soit dans le contrat initial, soit pendant le mariage. Il a pour objectif de renforcer les droits du conjoint survivant, afin de lui permettre de prélever ce dont il aura besoin, dans les biens communs, lors de la succession de son époux.
En effet, il pourra “se servir “, au moment de la succession, avant que le partage ne soit effectué entre les héritiers. Le conjoint pourra appréhender les biens immobiliers ou financiers (selon l’étendue du préciput) et choisir ces biens en usufruit ou en pleine-propriété. Le préciput peut porter sur toute la communauté, on parle alors d’un “préciput sur l’intégralité de la communauté”.
Le préciput est une faculté à exercer éventuellement au décès. Le conjoint survivant pourra donc : tout prendre, ne rien prendre ou ne prendre qu’une partie.
Il est nécessaire d’être en communauté, puisque le préciput ne porte que sur les biens communs. Cette libéralité ne s’adresse donc qu’aux couples mariés sous un régime communautaire (communauté légale ou universelle) ou séparatiste (séparation de biens) avec une société d’acquêts.
Notre avis
Attention, le montant du prélèvement doit rester raisonnable au regard du train de vie et de l’âge du conjoint survivant.
Si le prélèvement porte sur un patrimoine trop important en pleine propriété, les conséquences fiscales peuvent être néfastes au second décès pour la génération suivante (les enfants le plus souvent).
L’inverse est également vrai, si le patrimoine prélevé est trop faible alors les enfants devront venir en aide à leur ascendant.
Comment protéger mon conjoint avec l’usufruit successif ?
Un usufruit successif permet de transmettre l’usufruit sur un bien à un second usufruitier, en cas de décès du premier, afin de le protéger. Le nu-propriétaire deviendra alors plein-propriétaire uniquement au décès du second usufruitier.
Cette stratégie est le plus souvent utilisée par un conjoint souhaitant commencer à transmettre son patrimoine à ses enfants et qui procédera à une donation avec réserve d’usufruit d’un bien immobilier locatif. Il continuera donc à en percevoir les revenus jusqu’à son décès, avant que son conjoint touche à son tour les revenus. L’objectif est de permettre le maintien du train de vie du couple tout en préparant la transmission.
Mise en place
L’usufruit successif se prévoit au moment de la donation avec réserve d’usufruit (donation de la nue-propriété).
Il s’agit d’un droit, qui naîtra au moment de la succession du premier usufruitier. Il ne s’agit donc pas d’une donation. En conséquence, cet avantage est taxable à la succession du défunt, et seulement à ce moment-là. Si l’usufruit successif est au profit du conjoint, aucun impôt ne sera dû.
La renonciation à l’usufruit successif non-acquit n’est pas assimilée à une donation. Reprenons l’exemple ci-dessus, si le conjoint survivant, bénéficiaire de l’usufruit successif estime ne pas en avoir besoin (pas besoin de revenus complémentaires), alors il peut y renoncer au moment de la succession. Les enfants deviendront alors pleins propriétaires immédiatement. S’il l’abandonne après l’avoir accepté, cette renonciation sera considérée comme une donation au profit des nus-propriétaires.
A noter : si le second usufruitier est plus jeune que le premier, les nus-propriétaires pourront demander à l’Administration fiscale, une restitution partielle des droits de donation payés, à hauteur d’une somme égale à ce qu’il aurait payé en moins si le droit acquitté par lui lors de la donation avait été calculé d’après l’âge de l’usufruitier en second. Si le second usufruitier est plus âgé, aucune compensation n’est possible. Il est donc requis, impérativement, une bonne entente familiale pour ce type de montage.
Sur trois générations
Pour pousser plus loin cette logique il est également possible de prévoir, dans le cadre d’une DPT (Donation Partage Transgénérationnelle), la donation d’un bien en nue-propriété à des petits-enfants (3ème génération) et de donner l’usufruit successif aux enfants (2nde génération).
Pour protéger mon conjoint ou un enfant, est-ce que je peux décider de lui donner tout mon patrimoine après mon décès ? Le bon usage de la RAAR (Renonciation Anticipée à l’Action en Réduction)
Comme souvent en gestion de patrimoine la réponse est à nuancer.
La réserve héréditaire
Oui, il est possible de rédiger un testament au profit du conjoint survivant lui léguant l’intégralité de ses biens. Néanmoins, le droit français protège certains héritiers en raison de leurs liens familiaux avec le défunt, notamment les enfants, en leur attribuant une part minimale d’héritage. C’est ce qu’on appelle la réserve héréditaire.
Dans le cas d’un couple marié, cette question se pose surtout en présence d’enfants qui, pour rappel, sont réservataires pour :
- La moitié des biens en présence d’un enfant.
- Les 2/3 des biens en présence de deux enfants.
- Les 3/4 des biens en présence de trois enfants ou plus.
En l’absence d’enfants, c’est le conjoint qui est réservataire à hauteur d’un quart des biens.
Écarter la réserve
Il est possible de déroger à cette règle, afin de favoriser son conjoint ou un des enfants ayant besoin d’aide. Cette stratégie s’appelle une RAAR (Renonciation Anticipée à l’Action en Réduction). Les héritiers accepteront alors, du vivant de leur(s) parent(s), d’hériter d’une part inférieure (voir nulle) de la succession rapport à celle qui aurait dû leur revenir.
Ils acceptent par avance de ne pas intenter d’action en réduction, c’est-à-dire de demander auprès d’un Tribunal Judiciaire la réduction d’une libéralité excessive (don ou legs accordé par le défunt).
Cet acte doit être authentique et réalisé par deux notaires dont l’un est désigné par le Président de la chambre des notaires (ce qui souligne la gravité de l’acte). La RAAR est irrévocable, sauf cas particuliers : défaut de pension alimentaire, crime du bénéficiaire envers le défunt ou encore héritier ayant renoncé et se trouvant dans une situation précaire au moment du décès.
Lorsqu’il s’agit de léguer davantage au conjoint, il conviendra de préférer à la RAAR, un changement de régime matrimonial, toutes les fois que cela sera possible.
Comment protéger son conjoint grâce à une donation au dernier des vivants ?
Se protéger mutuellement en cas de décès entre conjoints (donc dans le cadre d’un mariage), est un objectif souvent abordé lors des entretiens patrimoniaux avec nos clients.
Pour évaluer la protection, il convient de faire le point sur les droits du conjoint survivant.
Répartition de la succession en cas de décès
Lorsqu’on est marié, quel que soit le régime matrimonial, et que les époux ont des enfants issus uniquement de cette union, le conjoint survivant a le choix entre :
- La totalité des biens du défunt en usufruit.
- Le quart en pleine propriété.
Attention, si les époux ont des enfants qui ne sont pas communs, le conjoint survivant a droit uniquement à un quart en pleine propriété. Dans certains cas, cela peut s’avérer insuffisant.
L’intérêt de la donation au dernier des vivants
Une donation au dernier des vivants permet d’augmenter les droits du conjoint survivant, y compris dans le cas où les enfants ne sont pas tous issus du même mariage. Il pourra ainsi choisir entre :
- L’usufruit de la totalité des biens.
- Un quart en pleine propriété et les trois quarts en usufruit.
- La pleine propriété de la quotité disponible de la succession (la moitié si un enfant, 1/3 si deux enfants, 1/4 si trois enfants ou plus).
L’intérêt de la donation au dernier des vivants en l’absence d’enfants héritiers réservataires
Dans le cas où l’un des conjoints décède sans enfants et que les parents de celui-ci sont vivants, ces derniers reçoivent une part non négligeable de la succession :
- 1/2 si les deux parents sont vivants.
- 1/4 si l’un des deux parents est vivant.
Afin de priver de ce droit les parents du défunt, une donation au dernier des vivants permet au conjoint survivant d’appréhender toute la succession en cas de décès. Une manière parmi d’autres de le protéger.
Mise en place
Sur le plan pratique, le recours à un notaire est obligatoire, puisqu’il faut établir un acte authentique. Il sera transmis et enregistré au Fichier Central des dispositions des dernières volontés. Comptez entre 400 € et 600 € pour réaliser cette opération. Des droits supplémentaires de 125 € seront dus au moment de la succession.
Une donation au dernier des vivants peut être annulée, à moins qu’elle soit incluse dans le contrat de mariage. Le divorce provoque automatiquement l’annulation de cet acte. Attention, dans un testament, l’un des époux, sans en avertir l’autre, peut révoquer une donation au dernier des vivants.
Notre avis
Cet outil puissant doit être manié avec précaution, un conseiller (conseiller en gestion de patrimoine et/ou notaire) est à consulter pour valider la stratégie.
Bien évidemment, les successions se déroulant le mieux sont celles qui sont bien préparées, ne laissant notamment pas de place au hasard et aux interprétations ; d’où l’intérêt de parler en amont de son propre décès avec ses héritiers.